La journée mondiale de l’Urbanisme est célébrée, chaque année, le 8 novembre. Cette année, le thème retenu par la Société Française des Urbanistes est : « Urbanisme et grands projets, grandes idées, vastes enjeux ». L’Ordre National des Urbanistes de Côte d’Ivoire s’approprie ce thème qui s’inscrit dans la politique urbaine de notre pays. L’urbanisme est généralement perçu comme la science, la technique ou l’art de l’organisation et de l’aménagement des espaces urbains. La Côte d’Ivoire connait une urbanisation galopante, avec un taux qui se situe selon le RGPH de 2021, à 52,5 %. Cette tendance devrait se poursuivre et s’amplifier pour atteindre les 60% au cours des années à venir. Le développement urbain devient un enjeu important de développement pour la Côte d’Ivoire. La formulation de politiques, de programmes ou projets doit se situer dans une perspective de développement urbain durable. Il convient de faire observer que la planification du développement urbain ne peut se faire sans une puissance publique forte, qui se manifeste depuis le sommet puis au niveau local voire communautaire. La prise de conscience du fait urbain devra s’accompagner de l’élaboration, de l’application et du respect des textes législatifs et règlementaires relatifs à l’utilisation du domaine urbain public et privé qui sont de la responsabilité première de la puissance publique. Face à cette urbanisation rapide, les infrastructures dont sont dotées les villes ivoiriennes, en général, et, en particulier, la métropole abidjanaise, sont vite dépassées nécessitant des investissements importants dans le développement de grands projets structurants pour rattraper l’étalement urbain et ainsi, faciliter le développement des activités économiques et la mobilité entre les différents pôles d’activité et les zones d’habitat. Aujourd’hui, la compétitivité de la métropole abidjanaise apparait un enjeu majeur au regard de la concurrence qui se joue entre les métropoles d’Afrique subsahariennes pour attirer les investisseurs internationaux. L’amélioration de la compétitivité d’Abidjan doit se fonder sur la capacité et la qualité des infrastructures qu’elle doit disposer pour offrir les meilleures opportunités aux populations et aux acteurs économiques. Ainsi, la construction des équipements structurants (le quatrième pont, la voie de contournement Y4, le parc des expositions, les échangeurs, l’aménagement de la baie de l’indénié, le métro et les ouvrages destinés au renforcement de la capacité de fourniture d’eau potable, d’énergie et de télécommunications), sont des avancées notables. Ces actions devront se poursuivre et se renforcer afin de permettre à Abidjan d’approcher les standards internationaux, en matière d’aménagement urbain et d’équipement de territoire métropolitain. Aussi pour faire face aux enjeux actuels et futurs de l’urbanisation de la Côte d’Ivoire, d’une manière générale, et de la position particulière d’Abidjan qui donne l’image de la macrocéphalie d’Abidjan par rapport aux villes du reste du pays, les Urbanistes de Côte d’Ivoire voudraient attirer l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité absolue et l’importance stratégique à engager, dès maintenant, des réformes profondes et ambitieuses en vue de désengorger effectivement la capitale économique en s’inscrivant dans la politique intégrée d’aménagement du territoire. La première réforme qui a déjà connue un début de mise en œuvre est celle du transfert de la capitale politique à Yamoussoukro. Il faut conduire la réflexion et mettre en place l’organisation nécessaire pour rendre ce transfert réel, pour le bien de l’ensemble du pays. Ce n’est pas uniquement un enjeu politique. C’est également et surtout un enjeu lié aux impératifs de développement équilibré de la Côte d’Ivoire. La deuxième réforme à envisager, selon les Urbanistes de Côte d’Ivoire, est de penser le développement de la métropole abidjanaise dans un grand ensemble géographique. Ce grand ensemble pourrait se fonder sur la promotion de deux couronnes. La première couronne inclurait les villes de Bonoua, Alépé, Azaguié et Dabou. La deuxième couronne engloberait les villes d’Aboisso, Agboville, Adzopé, Tiassalé, Divo et Grand-Lahou. Ces villes peuvent jouer un rôle clé dans le développement futur de la métropole abidjanaise. Les pouvoirs publics doivent attribuer à ces villes certaines fonctions selon leurs spécificités et surtout renforcer leurs capacités d’organisation, de transformation et de gestion de l’activité économique. Enfin, et c’est la troisième réforme, les Urbanistes de Côte d’Ivoire sont préoccupés par la place prépondérante d’Abidjan dans l’armature urbaine de la Côte d’Ivoire. Sur le plan administratif et politique, Abidjan reste le principal centre de prise de décisions administratives et politiques. Sur le plan démographique, Abidjan abrite une population de 6 321 017 habitants soit 40,96 % (RGHP de 2021) de la population urbaine du pays qui est de 15 428 957 habitants. Selon ce même recensement, la population de Bouaké et de Daloa, deuxième et troisième ville du pays, est respectivement de 832 371 habitants et 421 879 hab. La population des deux villes est de 1 254 250 habitants soit 19.84 % seulement de celle d’Abidjan. Sur le plan universitaire, scientifique et technologique, Abidjan concentre, à elle seule, la quasitotalité du potentiel universitaire, scientifique et technologique du pays. Sur le plan économique, Abidjan compte quatre (4) zones industrielles installées respectivement à Vridi, Koumassi, Yopougon et Akoupe-Zeudji (PK 28 de l’autoroute du Nord). La ville d’Abidjan abrite l’essentiel du tissu industriel de production, de transformation et de commercialisation de l’ensemble du pays. Sur le plan sanitaire, Abidjan abrite quatre Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) de dimension internationale. Elle abrite également des dizaines de cliniques ou polycliniques de santé dont certaines sont de classe internationale. Sur le plan des services, Abidjan dispose de l’essentiel des services fournis aux populations en Côte d’Ivoire. Sur le plan touristique et de l’hôtellerie, Abidjan est dotée d’une douzaine de réceptifs hôteliers de classe internationale qui lui permettent d’abriter des rencontres et conférences internationales avec des centaines ou des milliers de participants. Sur le plan des loisirs et de la culture, Abidjan abrite le palais de culture, des bibliothèques, des salles de cinéma, des salles de concert. Sur le plan aéroportuaire, Abidjan possède le plus grand aéroport de Côte d’Ivoire. L’aéroport d’Abidjan Port-Bouet enregistre quotidiennement une quarantaine de vols et d’atterrissages contre un ou deux vols ou atterrissages pour San Pedro. Enfin, sur le plan des investissements en infrastructures routières, Abidjan concentre, à ce jour, l’essentiel des investissements réalisés dans le domaine des infrastructures routières. Cette situation dominante d’Abidjan constitue un handicap voire un véritable frein au développement harmonieux et équilibré de la Côte d’Ivoire. Les Urbanistes de Côte d’Ivoire estiment que, même avec les hypothèses économiques les plus optimistes, le fonctionnement d’Abidjan, à l’horizon 2030-2040, continuera de poser de graves problèmes à la nation. Pour la résolution des problèmes d’Abidjan à cet horizon temporel, les Urbanistes de Côte d’Ivoire proposent la promotion de pôles régionaux de développement humain, économique, scientifique et technologique durable. Ces pôles seront à même de contrebalancer, au cours des 20- 30 prochaines années, le poids excessif d’Abidjan dans l’armature urbaine. C’est le cadre pour nous de féliciter les travaux du gouvernement qui ont visé à concrétiser le Programme de Décentralisation des Universités. Dans cette même veine, les urbanistes de Côte d’Ivoire, souhaitent une répartition judicieuse des investissements selon la taille de chaque pôle, selon sa vocation et selon le niveau de dégradation de ses infrastructures. En conclusion, les Urbanistes de Côte d’Ivoire sont persuadés de la nécessité de conduire des réflexions en vue de bien cerner la faisabilité des réformes envisagées. Il apparait impérieux, pour la Côte d’Ivoire, de s’engager dans des réformes dont la finalité est de parvenir à un développement harmonieux et équilibré du territoire national.